Les verts camélias, sur la poudreuse route,
Ouvrent leurs
blanches, roses fleurs,
Petits vases dormants dont nul miel ne
s'égoutte
Malgré la
sublime chaleur.
Mais les pourpres œillets aux flammes
ténébreuses,
Aux pétales
aigus, ardents,
Semblent déchiquetés par des mains
amoureuses,
Par des ongles
et par des dents;
Et leur suave odeur, leur émouvante extase
Saturent l'éther
vif et mol,
La cloche sonne au toit du clocher de
topaze,
O langueur d'un
soir espagnol!
Dans la rue un parfum de poisson cru
s'exhale
Assis sous un
auvent de bois,
Un bel adolescent fabrique des sandales,
Insouciant comme les rois.
Insouciant comme les rois.
Sur le bord de la mer, où le sel bleu des
vagues
Mord l'azur d'un
cuisant éclat,
Une usine répand des parfums doux et vagues
De cannelle et
de chocolat.
Et puis c'est le désert une morne étendue
De fossés, de
talus pelés;
La cathédrale énorme est dans l'air
suspendue,
Couleur d'or, de
sucre brûlé.
De petits enfants bruns, comme de sombres
anges
Mêlent leurs
corps déshabillés
Dans les ruisseaux étroits où roulent des
oranges,
Près des
boutiques des barbiers.
O misère animale, active, triomphante,
O saveur de la
pauvreté,
Sous le ciel des guerriers, des trônes, des
infantes,
Dans le brasier
bleu de l'été!
Qu'importe à ces humains dont le cœur est
farouche,
La chétive
privation,
Ils ont leurs corps dansants, leurs bras
ambrés, leur bouche,
Ils ont la
sainte passion!
Sur ces rocs désolés, où l'Océan se brise,
Où le destin les
relégua,
Ils respirent la nuit, dans l'odeur de la
brise,
Les beaux
jardins de Malaga.
Ils ont la maison blanche et le balcon
d'ébène,
Le piment épais
et vermeil,
Et pour les jeux sanglants, dans
l'exaltante arène,
Des places
d'ombre et de soleil.
Ils ont leur sombre église à leurs amours
propice
Dans ce royaume
d'argent noir,
Dans les niches couleur de résine et
d'épice,
La Vierge luit
comme un miroir.
Et l'amant torturé offre un cierge qui fume
A ce beau visage
oppressé,
Et contemple, au travers de ces vapeurs
d'écume,
Cette Vénus au
sein percé.
Et l'enlaçant soudain d'un tendre et triste
geste,
Lui dit: « O ma
plaintive sœur,
Quel rival enflammé de ton amant céleste
T'a mis ce couteau dans le cœur ? »
No comments:
Post a Comment