Friday, February 14, 2014

On est bon si l'on est tranquille,
Content, indifférent, distrait;
Mais si, plié sur son secret, l'esprit sent sa force servile,
Qui dira l'ardeur, la bonté,
D'un instant de méchanceté?


It is good if it is quiet,
Happy, indifferent, distracted;
But if bent on his secret mind feels his servile force
Who can tell the enthusiasm, kindness,

In a moment of wickedness?

Thursday, February 13, 2014

C'est après les moments les plus bouleversés
De l'étroite union acharnée et barbare,
Que, gisant côte à côte, et le front renversé,
Je ressens ce qui nous sépare!

Tous deux nous nous taisons, ne sachant pas comment,
Après cette fureur souhaitée et suprême.
Chacun de nous a pu, soudain et simplement,
Hélas! redevenir soi-même.

Vous êtes près de moi, je ne reconnais pas
Vos yeux qui me semblaient brûler sous mes paupières;
Comme un faible animal gorgé de son repas,

Comme un mort sculpté sur sa pierre.

Monday, February 10, 2014

DANSE - Les éblouissements

Quel miroitement de l'éther
Où vibre une chaude cadence!
Je t'offre les splendeurs de l'air,
0 Bacchus, fils de Jupiter,
Dieu passionné pour la danse!

Les oiseaux, d'un vol vif et dur,
- Flèches qu'un arc secret élance,
Caressent le front du jour pur,
Fondent dans les bains de l'azur,
Pâlissent dans la nue immense!

Sous les espaces arrondis,
La terre, bleuâtre fumée,
Par ses aromes attiédis
Soupire vers le paradis.
- Et toi mon âme, âme enflammée,

Dépasse aussi les arbres verts,
Déchire la molle buée,
Sois le parfum du ciel ouvert,.
La cymbale de l'univers

Et la danseuse des nuées!

L’Honneur de souffrir

VI

Ils ont inventé l’âme afin que l’on abaisse
Le corps, unique lieu de rêve et de raison,
Asile du désir, de l’image et des sons,
Et par qui tout est mort dès le moment qu’il cesse.

Ils nous imposent l’âme, afin que lâchement
On détourne les yeux du sol, et qu’on oublie,
Après l’injurieux ensevelissement,
Que sous le vin vivant tout est funèbre lie.
– Je ne commettrai pas envers votre bonté,
Envers votre grandeur, secrète mais charnelle,
Ô corps désagrégés, ô confuses prunelles,
La trahison de croire à votre éternité.
Je refuse l’espoir, l’altitude, les ailes,
Mais étrangère au monde et souhaitant le froid
De vos affreux tombeaux, trop bas et trop étroits,
J’affirme, en recherchant vos nuits vastes et vaines,
Qu’il n’est rien qui survive à la chaleur des veines !

VI

They invented the soul to lower
The body, sole place of dreams and reason,
Shelter of desire, images, and sounds,
Through which all is dead as soon as it ends.

They impose the soul, so that as cowards
We will avert our gaze from the ground and forget,
After the offensive burial,
That under the living wine all is funereal dregs.
– I will not commit, against your goodness,
Against your secret but carnal greatness,
O disintegrated bodies, o dissolved eyes,
The treason of believing in your eternity.
I refuse hope, loftiness, wings,
But a stranger to the world and wishing for the cold
Of your horrible, too low and too narrow tombs,
I affirm, while probing your vast, empty nights,
That nothing survives the warmth of the veins!

XII

Habitante éthérée et fixe des tombeaux,
Dont l’âme a soulevé les portes funéraires,
Je répands, dans ma juste et songeuse misère,
L’encens du noir séjour sur les clartés d’en haut.

Un livide univers m’enveloppe et m’étonne.
Dans un effort ardu, débile et monotone,
Mon trébuchant esprit s’efforce et se démet:
Je sens que tu es mort, et ne le sais jamais!

XII

Ethereal and resolute dweller of tombs,
Whose soul has lifted the funereal doors,
In my just and meditative misery, I cast
The incense from the black abode over the light above.

A livid universe surrounds and astounds me.
In an arduous, weak, and monotonous effort,
My stumbling spirit strives and struggles:
I sense that you are dead and yet I know it not!

LXIII

La femme, durée infinie,
Rêveuse d’éternels matins,
Dans la puissance de l’instinct
Veut créer.  Mais cette agonie

Plus tard, un jour, de son enfant,
Cette peur, ces sueurs, ces transes,
Ce mourant que rien ne défend,
En garde-t-elle l’ignorance?

Et toute mère, sans remords,
Triomphante et pourtant funèbre,
Voue une âme aux longues ténèbres,
Et met au monde un homme mort…

LXIII

Woman, infinite duration,
Dreamer of eternal morns,
In the power of instinct
Wants to create. But this agony

Later, one day, of her child,
This dread, this sweat, these trances,
This dying being with no defense,
Of all this can she remain ignorant?

Every mother, without remorse,
Triumphant and yet funereal,
Pledges a soul to the long night
And gives birth to a dead man…

Les Plaintes d’Ariane - L’Ombre des jours

Les Plaintes d’Ariane

Le vent qui fait tomber les prunes,
Les coings verts,
Qui fait vaciller la lune,
Le vent qui mène la mer,

Le vent qui rompt et qui saccage,
Le vent froid,
Qu’il vienne et qu’il fasse rage
Sur mon coeur en désarroi!

Qu’il vienne comme dans les feuilles
Le vent clair
Sur mon coeur, et qu’il le cueille
Mon coeur et son suc amer.

Ah! qu’elle vienne la tempête
Bond par bond,
Qu’elle prenne dans ma tête
Ma douleur qui tourne en rond.

Ah! qu’elle vienne, et qu’elle emporte
Se sauvant,
Mon coeur lourd comme une porte
Qui s’ouvre et bat dans le vent.

Qu’elle l’emporte et qu’elle en jette
Les morceaux
Vers la lune, à l’arbre, aux bêtes,
Dans l’air, dans l’ombre, dans l’eau,

Pour que plus rien ne me revienne
A jamais,
De mon âme et de la sienne
Que j’aimais…

Ariadne’s Lament

The wind that knocks down plums    And green pears,The wind that shakes the moon,
The wind that drives the sea,

The wind that breaks and lays waste,
The cold wind,
May it come and rage upon
My confused heart!

May it come as among leaves,
The clear wind,
Upon my heart, and may it pluck
My heart with its bitter sap.

Ah! may the tempest come
Leap by leap,
May it take from my head
The pain that goes round and round.

Ah! may it come and lift,
Taking off,
My heart heavy as a door
That opens and beats in the wind.

Let it take my heart and hurl
Its fragments
To the moon, the trees, the beasts,
In the air, the dark, the waters,

So that nothing returns to meEver again,
Of his soul and mine,
Which I loved…

Azur - Les Éblouissements

Azur

Comme un sublime fruit qu’on a de loin lancé,
La matinée avec son ineffable extase
Sur mon coeur enivré tombe, s’abat, s’écrase,
Et mon plaisir jaillit comme un lac insensé!

– O pulpe lumineuse et moite du ciel tendre,
Espace où mon regard se meurt de volupté,
O gisement sans fin et sans bord de l’été,
Azur qui sur l’azur vient reluire et s’étendre,

Coulez, roulez en moi, détournez dans mon corps
Tout ce qui n’est pas vous, prenez toute la place,
Déjà ce flot d’argent m’étouffe, me terrasse,
Je meurs, venez encor, azur! venez encor…

Azure

Like a sublime fruit, thrown from afar,
The morning icts with ineffable ecstasy
On my drunken heart falls, collapses, presses down,
And my pleasure surges like a crazy lake!

- O luminous and moist pulp of the tender sky, 
Space where my gaze dies of voluptuousness, 
O endless, unlimited realm of summer, 
Azure Azure is coming to shine and binds

Run flow through me, divert in my body
All that is not you, fill this space Entire,
The silver stream now stifles and conquers me,
I die, come again, Azure! come again ...

Meditation before the Remains of Thais

Méditation devant la dépouille de Thaïs

(extrait; prose poétique composée vers 1907)

Entourée de palmes tressées, fendues et jaunies par les âges, pressant entre ses mains d’antiques fleurs semblables à un petit bouquet de lavande, Thaïs la courtisane étend sous la vitrine du musée ses jambes sèches, couleur de bois de rose. Deux délicates chaussures d’argent mou restent pendues au bout de ses os cramoisis. Renversé et pourtant dressé, le visage vidé, où sont collés des cheveux, épouvante. Sous le menton, un frêle collier de verre multicolore se relâche comme la corde au cou d’un supplicié.

Ainsi roide, décharnée, loqueteuse, cette enivrée d’amour qui, autrefois, vivante et dansante, portait tout le ciel égyptien sur sa poitrine comme ses modestes compagnes attachaient à leur col un scarabée de pâte bleue aux ailes éployées, ressemble à quelque vagabonde qu’on a ramassée dans la rue et jetée sur un banc d’hôpital.

En vain l’écharpe teinte dans la pourpre des rois roule autour de ce crâne et de ce cadavre ses flots tumultueux qui font songer aux vagues du Cydnus reflétant la voile rouge de Cléopâtre: la mort a fait de Thaïs-la-Voluptueuse une mendiante fatidique, acariâtre et grimaçante.

Près d’elle, le moine Sérapion, qui l’a aimée et redoutée, n’offre plus que l’aspect d’un branchage desséché, mais une ceinture aiguë et des anneaux de fer impriment encore à son squelette les froissements de la pénitence. Voici donc, réunies sous cette vitrine, la Chasteté et la Volupté, toutes deux décomposées, tragiques et narquoises! Mais tandis que l’anachorète Sérapion nous étonne et nous irrite comme un forcené qui ne veut rien entendre et qui, sans apaisement, perpétue son tourment acharné jusque dans le néant frivole d’un cube de verre, la plaintive courtisane émeut par son abandon sans recours et son patient reproche: pauvre Thaïs, vivante elle n’eût accepté aucun des gestes que la faiblesse de la mort lui impose! Ses jambes adroites, ses mains, son visage, dont elle jouait avec une précise agilité, comme jouent du luth d’experts musiciens, ont l’indigence de l’instrument rompu d’où s’est envolée la mélodie.

En l’arrachant du sol antique, en brisant son cercueil, on a trahi sa profonde confiance, car sans doute, mourante et lassée de la vie, eut-elle faim de la terre comme elle avait eu soif de l’azur égyptien, dans les jours étincelants où elle habitait sa maison de chaux, contre laquelle, vers midi, un groupe de jeunes palmiers jetait son triangle d’ombre noire et de fraîcheur.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Aujourd’hui, vous voilà sous mes yeux, longue morte aux tons de rose fanée. Votre squelette, couleur de santal, semble un bois aussi vénérable que celui des rosaires bénits.
Exemplaire, sanctifiée, puissante, vous reposez sur des palmes tressées que déposèrent dans votre tombeau, il y a deux mille ans, des religieuses innocentes qu’édifiait votre repentir; mais je ne vois que le petit collier de verre multicolore, humble joug de votre vie frivole, et votre long voile de pourpre qui perpétue autour de vous les flots soulevés de votre sang passionné.

Meditation before the Remains of Thais

(excerpt; composed around 1907)

Surrounded by woven palms, split and yellowed by age, pressing in her hands antique flowers resembling a small lavender bouquet, Thais the courtesan stretches under the museum’s glass panel her dry, rosewood colored legs. Two delicate slippers of soft silver remain suspended at the tip of her crimson bones. Thrown back and yet upright, the emptied face, with hair still clinging, horrifies. Under the chin, a frail multicolored glass necklace slackens like the rope around a tortured victim’s neck.

Rigid, ragged, fleshless, this love-intoxicated one who, living and dancing in the past, carried the whole Egyptian sky on her breast, as her modest companions fastened around their necks a blue paste scarab with outspread wings, now resembles some vagabond, picked up out of the street and thrown onto a hospital bench.

In vain does the scarf dyed in royal purple roll around this skull and corpse in tumultuous waves, recalling the waves of Cydnus that reflected Cleopatra’s crimson sails: death has transformed Thais-the-Voluptuous into a fateful, bitter, grimacing beggar.

Close to her, the monk Serapion, who loved and feared her, offers nothing more than the appearance of a dried twig, though a sharp belt and metal rings still impress the creases of penitence upon his skeleton. Here, then, under the same window, Chastety and Voluptuousness have been gathered together, both decomposed, tragic, and mocking. But while the anchorete Serapion startles and irritates us like a madman who will hear nothing and who relentlessly perpetuates his torment, even down into the frivolous void of a glass cube, the plaintive courtesan moves us through her helpless abandon and her patient reproach. Poor Thais. Alive, she would have accepted none of the gestures that the weakness of death imposes upon her! Her agile legs, her hands and face, which she played with precision and skill like expert musicians their luth, reveal the indigence of a broken instrument from which the melody has flown.

In tearing her away from the antique soil, in breaking her coffin, we have betrayed her profound trust, for, dying and tired of life, no doubt she hungered for the earth as she had thirsted after the Egyptian azure, in the dazzling days when she inhabited her whitewashed house, on which, toward noon, a group of young palms would cast a triangle of cool black shade.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Today, here you are before my eyes, a corpse stretched out in tones of wilted roses. In my eyes, your sandalwood-colored skeleton is as venerable as the wood of blessed rosaries.

Exemplary, sanctified, powerful, you rest upon woven palms that were laid in your tomb, two thousand years ago, by innocent nuns whom your repentence edified; but I see only the small multicolored glass beads of your necklace, humble yoke of your frivolous life, and your long purple veil perpetuating around you the heaving waves of your passionate blood.

(this translation by Catherine Perry was published in Verse 14: 1 [Spring 1997]: 55-56)

L’Empreinte, The Imprint - Le Coeur innombrable

L’Empreinte

Je m’appuierai si bien et si fort à la vie,
D’une si rude étreinte et d’un tel serrement
Qu’avant que la douceur du jour me soit ravie
Elle s’échauffera de mon enlacement.

La mer abondamment sur le monde étalée
Gardera dans la route errante de son eau
Le goût de ma douleur qui est âcre et salée
Et sur les jours mouvants roule comme un bateau.

Je laisserai de moi dans le pli des collines
La chaleur de mes yeux qui les ont vu fleurir,
Et la cigale assise aux branches de l’épine
Fera vibrer le cri strident de mon désir.

Dans les champs printaniers la verdure nouvelle
Et le gazon touffu sur le bord des fossés
Sentiront palpiter et fuir comme des ailes
Les ombres de mes mains qui les ont tant pressées.

La nature qui fut ma joie et mon domaine
Respirera dans l’air ma persistante ardeur,
Et sur l’abattement de la tristesse humaine
Je laisserai la forme unique de mon coeur.

The Imprint

So vigorously will I lean on life,
So strongly will I hold and embrace it,
That before I lose the sweetness of day
It will be heated from my touch.

The sea abundantly spread over the world
Will carry on the errant road of its waters
The acrid and briny taste of my pain
Rolling like a ship over the moving days.

I will leave of myself in the folds of the hills 
The warmth of my eyes which saw them bloom,
And the cicadas alight on thorny branches
Will resonate the shrill cry of my desire.

The budding green in fields touched by spring
And the lush grass on the edge of dikes
Will feel, like wings that flutter and flee,
The shadows of my hands that so often clasped them

Nature, who was my joy and my domain,
Will breathe my lasting fervor in the air,
And upon the gloom of human sorrows
I will stamp the unique shape of my heart.

L’Offrande à la nature, Offering to Nature - Le Coeur innombrable

L’Offrande à la nature

Nature au coeur profond sur qui les cieux reposent,
Nul n’aura comme moi si chaudement aimé
La lumière des jours et la douceur des choses,
L’eau luisante et la terre où la vie a germé.

La forêt, les étangs et les plaines fécondes
Ont plus touché mes yeux que les regards humains.
Je me suis appuyée à la beauté du monde
Et j’ai tenu l’odeur des saisons dans mes mains.

J’ai porté vos soleils ainsi qu’une couronne
Sur mon front plein d’orgueil et de simplicité,
Mes jeux ont égalé les travaux de l’automne
Et j’ai pleuré d’amour aux bras de vos étés.

Je suis venue à vous sans peur et sans prudence
Vous donnant ma raison pour le bien et le mal,
Ayant pour toute joie et toute connaissance
Votre âme impétueuse aux ruses d’animal.

Comme une fleur ouverte où logent des abeilles
Ma vie a répandu des parfums et des chants,
Et mon coeur matineux est comme une corbeille
Qui vous offre du lierre et des rameaux penchants.

Soumise ainsi que l’onde où l’arbre se reflète,
J’ai connu les désirs qui brûlent dans vos soirs
Et qui font naître au coeur des hommes et des bêtes
La belle impatience et le divin vouloir.

Je vous tiens toute vive entre mes bras, Nature!
Ah! faut-il que mes yeux s’emplissent d’ombre un jour,
Et que j’aille au pays sans vent et sans verdure
Que ne visitent pas la lumière et l’amour…

Offering to Nature

Deep-hearted Nature, supporting the heavens,
None more than I will have so ardently loved
The light of days and the sweetness of things,
The shimmering water and the nurturing earth.

The woods, ponds, and fertile plains
Have touched my eyes more than human gazes.
I have leaned upon the beauty of the world
And my hands have held the seasons’ fragrances.

I have worn your suns like a crown
On my noble and simple brow,
My games have matched the labors of fall,
And I have wept with love in your summers’ arms.

I have come to you without fear or prudence,
Giving you my reason for good and evil,
Embracing as my only joy and knowledge
Your impetuous soul with animal cunning.

Like an open flower for nesting bees
My life has distilled balms and songs,
And like a basket my morning heart
Offers you ivy and pliant boughs.

Yielding like water reflecting the trees
I have known the burning desires of your nights,
Which arouse in the hearts of men and beasts
Beautiful impatience and divine will.

Nature, my arms enfold you all alive,
Ah! must my eyes fill with darkness some day,
And must I go to the land without wind or color
Where light and love will never meet…

L’Image, The Image - Le Coeur innombrable

L’Image

Pauvre faune qui va mourir
Reflète-moi dans tes prunelles
Et fais danser mon souvenir
Entre les ombres éternelles.

Va, et dis à ces morts pensifs
A qui mes jeux auraient su plaire
Que je rêve d’eux sous les ifs
Où je passe petite et claire.

Tu leur diras l’air de mon front
Et ses bandelettes de laine,
Ma bouche étroite et mes doigts ronds
Qui sentent l’herbe et le troène,

Tu diras mes gestes légers
Qui se déplacent comme l’ombre
Que balancent dans les vergers
Les feuilles vives et sans nombre.

Tu leur diras que j’ai souvent
Les paupières lasses et lentes[,]
Qu’au soir je danse et que le vent
Dérange ma robe traînante.

Tu leur diras que je m’endors
Mes bras nus pliés sous ma tête,
Que ma chair est comme de l’or
Autour des veines violettes.

– Dis-leur comme ils sont doux à voir
Mes cheveux bleus comme des prunes,
Mes pieds pareils à des miroirs
Et mes deux yeux couleur de lune,

Et dis-leur que dans les soirs lourds,
Couchée au bord frais des fontaines,
J’eus le désir de leurs amours
Et j’ai pressé leurs ombres vaines…

The Image

Poor faun about to die,
Reflect me in your eyes
And dance with my memory
Among the eternal shades.

Go tell the pensive dead
Whom my games would have pleased,
That I dream of them beneath the pines
Where small and clear I pass.

Tell them of my brow
Wrapped in woolen strips,
Of my narrow mouth and round fingers
Scented with grass and privets.

Tell them of my airy gestures
Moving like shadows
Rocked in gardens
By countless living leaves.

Tell them how my eyelids
Are often sleepy and slow,
How I dance at night while the wind
Ruffles my trailing dress.

Tell them how I sleep,
Arms folded under my head,
How my flesh is as gold
Around my violet veins.

Tell them how sweet to see
Are my plum-purple hair,
My mirror-like feet,
And my moon-colored eyes,

And tell them how in sultry nights,
Lying at the edge of cool fountains,
I felt desire for their love
And clasped their vain shadows…

사랑

Amour, qui dès l'aube du temps
Flottais sur la terre et les eaux;
Toi qui, dans l'arbre et dans l'étang,
Meus les poissons et les oiseaux.

Toi qui dans la forêt mouvante
Troubles la sève sous l'écorce,
Et joins, aux heures violentes,
La soumission et la force.

Au delà du bien et du mal
Mènes les coeurs phosphorescents,
Amour au regard d'animal,
O dieu des âmes et du sang ...

Sunday, February 9, 2014

IVRESSE AU PRINTEMPS


Printemps léger, crispé, charnu,
Encor si tremblant et si nu,
O douce saison déchirée
Où par chaque fente sacrée
S'efforce une tiède liqueur,
La pourpre ferveur de mon coeur
Ainsi qu'une grenade éclate!
Du sol doré, couleur de datte,
Tout veut fuir, jaillir, épaissir;
O rameau chargé de désir!
Un oiseau sur son vert refuge
Chante, comme après le déluge....
- Printemps secret, sucré, divin,
Que je boive un limpide vin,
Dans la coupe de la tulipe!
Que dans une argentine pipe
Je brûle l'encens et l'anis!
O printemps, culte d'Adonis,
Que je célèbre ton ivresse!
Que mon coeur contre toi se presse
Jusqu'à ce qu'il soit tout ouvert!
Que je danse sur le pré vert
Au milieu des pigeons qui flottent,
Ivre comme une jeune ilote,
Dispersant la sève et les grains,
Et prenant, dans l'air qui grelotte,
Tout le printemps pour tambourin!

Thursday, February 6, 2014

SOIR D'ESPAGNE

Les verts camélias, sur la poudreuse route,
Ouvrent leurs blanches, roses fleurs,
Petits vases dormants dont nul miel ne s'égoutte
Malgré la sublime chaleur.

Mais les pourpres œillets aux flammes ténébreuses,
Aux pétales aigus, ardents,
Semblent déchiquetés par des mains amoureuses,
Par des ongles et par des dents;

Et leur suave odeur, leur émouvante extase
Saturent l'éther vif et mol,
La cloche sonne au toit du clocher de topaze,
O langueur d'un soir espagnol!

Dans la rue un parfum de poisson cru s'exhale
Assis sous un auvent de bois,
Un bel adolescent fabrique des sandales,
            Insouciant comme les rois.

Sur le bord de la mer, où le sel bleu des vagues
Mord l'azur d'un cuisant éclat,
Une usine répand des parfums doux et vagues
De cannelle et de chocolat.

Et puis c'est le désert une morne étendue
De fossés, de talus pelés;
La cathédrale énorme est dans l'air suspendue,
Couleur d'or, de sucre brûlé.

De petits enfants bruns, comme de sombres anges
Mêlent leurs corps déshabillés
Dans les ruisseaux étroits où roulent des oranges,
Près des boutiques des barbiers.

O misère animale, active, triomphante,
O saveur de la pauvreté,
Sous le ciel des guerriers, des trônes, des infantes,
Dans le brasier bleu de l'été!

Qu'importe à ces humains dont le cœur est farouche,
La chétive privation,
Ils ont leurs corps dansants, leurs bras ambrés, leur bouche,
Ils ont la sainte passion!

Sur ces rocs désolés, où l'Océan se brise,
Où le destin les relégua,
Ils respirent la nuit, dans l'odeur de la brise,
            Les beaux jardins de Malaga.

Ils ont la maison blanche et le balcon d'ébène,
Le piment épais et vermeil,
Et pour les jeux sanglants, dans l'exaltante arène,
Des places d'ombre et de soleil.

Ils ont leur sombre église à leurs amours propice
Dans ce royaume d'argent noir,
Dans les niches couleur de résine et d'épice,
La Vierge luit comme un miroir.

Et l'amant torturé offre un cierge qui fume
A ce beau visage oppressé,
Et contemple, au travers de ces vapeurs d'écume,
Cette Vénus au sein percé.

Et l'enlaçant soudain d'un tendre et triste geste,
Lui dit: « O ma plaintive sœur,
Quel rival enflammé de ton amant céleste
            T'a mis ce couteau dans le cœur ? »


éblouissement

Sometimes in the night, you wake up with a start,
And as a shock that breaks bones and piercing,
One thinks of fleeting time, younger years,
At dawn inflaming wealthy windows,
In fiery butterflies, which, on the peace of the wheat,
In pursuing similar to jasmine adults.


The fragrant flowers were well bowls.
Bees danced around the herbs,
and their hot flight seemed to selected plants
For a light, elastic and thin thread.
As a clear grouping of leaping forces
Hills laughed triumphantly, shiny,
Young days, the emphasis can not come back,
Who comfort us in all our memories!


O morning of fifteen, where the soft body and nimble
With allied with the aroma, the heavenly heat,
Where birds rode easy and pure flight,
where everything seemed to be drawn into the azure,
Where we fingered the smell, the air, the horizon, the waves
With trembling hand and mind wandering!
Matins where they were lonely and winner
Where we felt the rivers run on its oœur,
where visitors could sample drinking dawn on the summit,
Divine decency to feel sublime!


Hence the desire, the same bold eagle
Was a silver bow aimed the sun!
pensive, we felt essential to the world,
we thought the "My life where desire abounds
The torch of my eyes, my tender and pressing arm,
rejuvenate the languishing world tomorrow ... "
I remember the night in May on the terrace,
the smell of an orange numb the area,
and I felt, coming from all white roads,
tamed the evening to sleep in my hand ...
Without being able to distinguish shapes, faces,
Everything, I thought "This is Eros trip. "


The wings of birds and no bystanders
were the same noise desire in my blood.
Under the magnolia, cedar, privet,
smell flowed and hot springs,
And the soul terrified and bewildered heart
I asked to infinity, "What do you want me? "
The moon, on the softly rough seas
By each moving tide seemed to be washed away,
and as the star with bouncy looks milky,
whole sea was white lilies ...
I contemplated this glistening water, enigmatic.
I thought: "There is the powerful African
This is the cry of the cat by Lecho repeated
It is unimaginable and deadly summer,
It is divine rage and foam of the soul. "
And I stretched my hand to touch the flame.  

- Today the weary heart and injured by fire,
bless encor Me, O yellow and blue brazier
! Exciting universe whose every swing intoxicates me
Dying, I will say need to enjoy and live,
That despite the languor of a sad and burning body,
the night is generous and succulent day
What tears, screams, pain, agony
Can not tarnish the joy endless!
That moment of desire, a highlight of the summer,
the hot and sweet Contain eternity.


O moist black soil from which springs hyacinth!
matter if in the harsh and dark enclosure
Dead are extended cold and silent;
, O beauty of the tombs under the sweetness of heaven
Marbles posed and plaintive terminals
Rocks mysterious uncertain shores,
Horizontal door accessing the night,
O debris from the wreck, wreck that shines,
As you celebrate the joy and abundance,
strength fun, daring dance,
Universal arena to light stands ! ...
And sometimes from the funeral grounds,
I think I see, his bare feet on the graves,
Eros A smile that feeds doves ...


[Color, alternative]

- Today, with weary heart burned by flames,
I still bless you, o blue and yellow blaze,
Exalting universe Whose Every surge intoxicates me!
Dying, I Will Proclaim Abebooks web must enjoy and live;
That Despite The languor of a sorrowful and burning body,
Night is munificent and day succulent;
That tears, cries, Suffering, agony
Can not tarnish infinite rapture!
That one moment of desire, one moment of summer,
sweet Contain and fiery eternity.
O black and moist earth Where the hyacinth shoots up!
it matters little if in the grim and gloomy enclosure
The dead binds cold and silent.
O beauty of tombs Beneath serene skies!
Marble slabs set like plaintive markers,
Mysterious rocks is uncertain shores,
Horizontal door opening onto the night,
O debris of the ship radiant wreckage,
How you celebrate joy and abundance,
The power of pleasure, the daring of dance,
The universal arena and Its luminous third! ...
And sometimes, in the funereal gardens,
I believe I see, His naked feet weighing on tombs,
A smiling Eros Who nourishes the doves ...